vendredi 4 juillet 2014

Chapitre 1 - La fille aux cheveux mauves




Comme chaque matin, j'arpentais les longues rues de Cloud City en direction du lycée. A cette heure là, la douce lueur de l'aube enveloppait le sommet des immeubles et projetaient dans les quartiers des éclats dorés. Les magasins qui bordaient les trottoirs commençaient à ouvrir leurs vitrines et tout le monde partait au travail. La ville s'éveillait doucement.
Bien que mes parents me proposaient souvent de m'emmener en voiture, je déclinais chaque fois leur proposition. Je préférais marcher à pied, car l'air du matin est agréable ici, malgré la circulation déjà importante à cette heure-là. De plus, ce trajet quotidien était un moment de la journée où je pensais beaucoup. J'aimais pousser le volume de mes écouteurs au maximum et me noyer dans le fin fond de mes pensées. Marcher me permettait de réfléchir. C'est pour cela que je prenais vraiment plaisir à aller en cours en marchant à l'ombre des gratte-ciels.
Et une fois de plus, je fus arracher à mes songes par le passage soudain d'une voiture qui m'avais raté de peu. C'était quelque chose qui arrivait souvent, et pourtant je m'en tirais indemne à chaque fois. Cependant, ces passages abrupts de voitures me semblaient bizarres. J'avais l'étrange sensation de voir la même voiture me frôler, et dans les mêmes conditions -par exemple, elle passait toujours à la même heure, 7h46). Mais bon, même si cela me paraissait louche, je n'y prêtais pas plus d'attention.
C'est ainsi que ma promenade matinale touchait à sa fin et que j'arrivais devant le lycée.

C'était un grand bloc de béton blanc d'où rentrait et sortait constamment des foules d'étudiants. Des petites fenêtres carrées s'alignaient le long de ses façades éclatantes, et de grandes baies vitrées s'ouvraient sur un hall spacieux ou l'agitation régnait. Cet édifice me faisait penser à un hôpital, et je me sentais mal à l'aise en parcourant ses longs couloirs lugubres.
Après un retentissement strident de la sonnerie, je me dirigeais vers la salle de cours où les élèves étaient déjà arrivés, pour la plupart. Ils commençaient déjà à échanger quelques mots, à parler des cours, des examens, et d'autres choses encore. Moi je ne leur parlais pas, je préférais être seul. D'ailleurs, je trouvais presque anormal le fait d'être seul comme ça et de ne pas en souffrir. Les gens seuls sont pourtant souvent malheureux. Sans doute parce qu'ils ne l'ont pas demandé.
Je fus alors arraché à mes rêveries par notre professeur, monsieur Jil, qui nous dit de nous asseoir. C'était un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux grisonnants et dont les petits yeux aux traits affaiblis trahissaient une grande fatigue en lui. C'était quelqu'un de foncièrement gentil, mais parfois soporifique durant ses longues explications.
Après nous être exécutés, il prit la parole :
« Bonjour à tous... »
La classe répondit alors poliment et il se racla la gorge, avant de reprendre:
«Aujourd'hui, j'ai une annonce à vous faire : votre classe va connaître l'arrivée d'une nouvelle élève Je vous prierais de lui réserver un accueil aussi chaleureux que possible... »
Une vague de murmure se propagea dans toute la classe, visiblement intriguée par cette nouvelle arrivante. Cela ne me fit pas spécialement réagir, ce serait juste une tête de plus parmi les élèves de cette classe. Les bavardages durèrent encore quelques instants, lorsque l'on frappa à la porte.
« Entrez. »
La porte s'ouvrit alors lentement. Une jeune fille entra timidement dans la salle et s'arrêta à côté du bureau du professeur.
« Voici Élise, votre nouvelle camarade. »
Élise. Élise.... Ce nom résonna en moi, comme si je l'avais déjà entendu. Et plus étonnant encore, j'étais sur de déjà avoir vu cette fille. Elle avait de long cheveux mauves qui lui tombaient jusque dans le bas du dos, et de yeux de chat d'un noir très profond. Ses traits de visages étaient très fins et elle avait la peau d'une blancheur remarquable. Elle tenait debout sur de fines jambes et se tenait les mains dans le dos. Elle balaya la petite assemblée qui se trouvait devant elle d'un regard gêné avant de faiblement murmurer :
« Bonjour... Je m'appelle Élise. Ravie de faire votre connaissance... »
Tous lui répondirent joyeusement,mais je ne les suivais pas. Cette fille me troublait profondément, je ne savais pas trop pourquoi. J'avais la sensation de déjà la connaître, et qu'elle apportait avec elle une menace, un avertissement. Elle ne me disais rien qui vaille.
« Bien Élise... Tu vas aller t'asseoir là-bas, juste à côté de Edward. »
Avec horreur, je la vis s'avancer vers moi. Non, non, non, il y a d'autre places dans la classe, pas ici ! Cette fille me fait peur... je ne la veux pas à côté de moi ! Malgré la détresse que j'éprouvais à ce moment là, elle s'assit silencieusement à ma table. Je tachai de l'ignorer tout en prenant mon mal en patience, mais elle m'adressa un :
« Enchantée, Edward »
Je fus obligé de lui répondre, par politesse. J'en profitais pour lui jeter un regard furtif, c'est alors que je me rendis compte de quelque chose. Son attitude ne recelait pas que de la timidité, elle cachait aussi beaucoup de tristesse. Élise semblait très triste. Bien qu' à cet instant j'étais très embarrassé, même angoissé, je lui demandai :
« Ça ne va pas ? »
Lentement, elle se tourna vers moi, avant de me jeter un regard obscur que je trouvai terrifiant, comme si elle me reprochait quelque chose. Il y eut un court silence avant qu'elle ne me dise :
« Pourquoi me poses-tu cette question ? »
Tout gêne dans sa voix c'était volatilisé. Elle me fixait, avec ses yeux aussi sombres que la nuit. Complètement béat, je ne sus pas quoi répliquer. Ce fut elle qui reprit soudainement :
« Tu connais déjà la réponse... »


Les heures passées aux côtés de Élise me parurent interminables. D'un moment à l'autre de la journée, elle ne changea pas d'un cil, et nous ne nous n'échangeâmes pas un mot. Sa timidité était revenue dans sa voix et dans ses yeux. Pourtant, contrairement aux autres élèves qui somnolaient pendant les cours, elle ne cillait pas. Elle avait l'air impassible, je dirais même qu'elle faisait parfois penser à une statue, c'est à se demander si elle clignait des yeux. Je sentais sa présence inquiétante près de moi, d'autant plus que sa dernière réplique venait d'installer une ambiance relativement tendue. C'est vrai ça, de quoi peut-elle bien vouloir parler ? Qu'ai je à me reprocher à son égard, pour qu'elle puisse paraître aussi malheureuse ? Je ne comprenais vraiment pas où elle voulait en venir, et ses derniers mots tournaient sans cesse dans ma terre. Même si son nom et son visage m'était familier, je suis certain de ne jamais l'avoir vue ici, à Cloud City.
En fin de compte, cette fille ressemblait à un fantôme.

La sonnerie annonçant la fin des cours fut pour moi le glas de la délivrance. J'allais enfin pouvoir quitter le lycée, et surtout Élise. Je rangeais rapidement mes affaires pour me dépêcher de rentrer chez moi. C'est alors que, contre toutes attentes, celle-ci s'approcha vers moi.
« A demain, Edward... »
Puis elle fit volte-face, et se dirigea vers la sortie avant de disparaître dans les couloirs, sans un bruit.
Ces mots me firent frissonner, car ils venaient de me rappeler que, après une courte soirée de répit, j'allais la retrouver demain. Une fois de plus je devrais passer une journée en sa présence perturbante, dérangeante. J'allais encore la sentir froide, stoïque, à côté de moi. Dépité, je quittai alors le lycée, et de profondes pensées assaillirent de nouveau mon esprit sur le chemin du retour.


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