Comme chaque matin,
j'arpentais les longues rues de Cloud City en direction du lycée. A
cette heure là, la douce lueur de l'aube enveloppait le sommet des
immeubles et projetaient dans les quartiers des éclats dorés. Les
magasins qui bordaient les trottoirs commençaient à ouvrir leurs
vitrines et tout le monde partait au travail. La ville s'éveillait
doucement.
Bien
que mes parents me proposaient souvent de m'emmener en voiture, je
déclinais chaque fois leur proposition. Je préférais marcher à
pied, car l'air du matin est agréable ici, malgré la circulation
déjà importante à cette heure-là. De plus, ce trajet quotidien
était un moment de la journée où je pensais beaucoup. J'aimais
pousser le volume de mes écouteurs au maximum et me noyer dans le
fin fond de mes pensées. Marcher me permettait de réfléchir. C'est
pour cela que je prenais vraiment plaisir à aller en cours en
marchant à l'ombre des gratte-ciels.
Et
une fois de plus, je fus arracher à mes songes par le passage
soudain d'une voiture qui m'avais raté de peu. C'était quelque
chose qui arrivait souvent, et pourtant je m'en tirais indemne à
chaque fois. Cependant, ces passages abrupts de voitures me
semblaient bizarres. J'avais l'étrange sensation de voir la même
voiture me frôler, et dans les mêmes conditions -par exemple, elle
passait toujours à la même heure, 7h46). Mais bon, même si cela me
paraissait louche, je n'y prêtais pas plus d'attention.
C'est
ainsi que ma promenade matinale touchait à sa fin et que j'arrivais
devant le lycée.
C'était un grand bloc de béton
blanc d'où rentrait et sortait constamment des foules d'étudiants.
Des petites fenêtres carrées s'alignaient le long de ses façades
éclatantes, et de grandes baies vitrées s'ouvraient sur un hall
spacieux ou l'agitation régnait. Cet édifice me faisait penser à
un hôpital, et je me sentais mal à l'aise en parcourant ses longs
couloirs lugubres.
Après un retentissement
strident de la sonnerie, je me dirigeais vers la salle de cours où
les élèves étaient déjà arrivés, pour la plupart. Ils
commençaient déjà à échanger quelques mots, à parler des cours,
des examens, et d'autres choses encore. Moi je ne leur parlais pas,
je préférais être seul. D'ailleurs, je trouvais presque anormal le
fait d'être seul comme ça et de ne pas en souffrir. Les gens seuls
sont pourtant souvent malheureux. Sans doute parce qu'ils ne l'ont
pas demandé.
Je
fus alors arraché à mes rêveries par notre professeur, monsieur
Jil, qui nous dit de nous asseoir. C'était un homme d'une
quarantaine d'années aux cheveux grisonnants et dont les petits yeux
aux traits affaiblis trahissaient une grande fatigue en lui. C'était
quelqu'un de foncièrement gentil, mais parfois soporifique durant
ses longues explications.
Après
nous être exécutés, il prit la parole :
« Bonjour
à tous... »
La
classe répondit alors poliment et il se racla la gorge, avant de
reprendre:
«Aujourd'hui,
j'ai une annonce à vous faire : votre classe va connaître
l'arrivée d'une nouvelle élève Je vous prierais de lui réserver
un accueil aussi chaleureux que possible... »
Une
vague de murmure se propagea dans toute la classe, visiblement
intriguée par cette nouvelle arrivante. Cela ne me fit pas
spécialement réagir, ce serait juste une tête de plus parmi les
élèves de cette classe. Les bavardages durèrent encore quelques
instants, lorsque l'on frappa à la porte.
« Entrez. »
La
porte s'ouvrit alors lentement. Une jeune fille entra timidement dans
la salle et s'arrêta à côté du bureau du professeur.
« Voici
Élise, votre nouvelle camarade. »
Élise.
Élise.... Ce nom résonna en moi, comme si je l'avais déjà
entendu. Et plus étonnant encore, j'étais sur de déjà avoir vu
cette fille. Elle avait de long cheveux mauves qui lui tombaient
jusque dans le bas du dos, et de yeux de chat d'un noir très
profond. Ses traits de visages étaient très fins et elle avait la
peau d'une blancheur remarquable. Elle tenait debout sur de fines
jambes et se tenait les mains dans le dos. Elle balaya la petite
assemblée qui se trouvait devant elle d'un regard gêné avant de
faiblement murmurer :
« Bonjour...
Je m'appelle Élise. Ravie de faire votre connaissance... »
Tous
lui répondirent joyeusement,mais je ne les suivais pas. Cette fille
me troublait profondément, je ne savais pas trop pourquoi. J'avais
la sensation de déjà la connaître, et qu'elle apportait avec elle
une menace, un avertissement. Elle ne me disais rien qui vaille.
« Bien
Élise... Tu vas aller t'asseoir là-bas, juste à côté de
Edward. »
Avec
horreur, je la vis s'avancer vers moi. Non, non, non, il y a d'autre
places dans la classe, pas ici ! Cette fille me fait peur... je
ne la veux pas à côté de moi ! Malgré la détresse que
j'éprouvais à ce moment là, elle s'assit silencieusement à ma
table. Je tachai de l'ignorer tout en prenant mon mal en patience,
mais elle m'adressa un :
« Enchantée,
Edward »
Je
fus obligé de lui répondre, par politesse. J'en profitais pour lui
jeter un regard furtif, c'est alors que je me rendis compte de
quelque chose. Son attitude ne recelait pas que de la timidité, elle
cachait aussi beaucoup de tristesse. Élise semblait très triste.
Bien qu' à cet instant j'étais très embarrassé, même angoissé,
je lui demandai :
« Ça
ne va pas ? »
Lentement,
elle se tourna vers moi, avant de me jeter un regard obscur que je
trouvai terrifiant, comme si elle me reprochait quelque chose. Il y
eut un court silence avant qu'elle ne me dise :
« Pourquoi
me poses-tu cette question ? »
Tout
gêne dans sa voix c'était volatilisé. Elle me fixait, avec ses
yeux aussi sombres que la nuit. Complètement béat, je ne sus pas
quoi répliquer. Ce fut elle qui reprit soudainement :
« Tu
connais déjà la réponse... »
Les
heures passées aux côtés de Élise me parurent interminables. D'un
moment à l'autre de la journée, elle ne changea pas d'un cil, et
nous ne nous n'échangeâmes pas un mot. Sa timidité était revenue
dans sa voix et dans ses yeux. Pourtant, contrairement aux autres
élèves qui somnolaient pendant les cours, elle ne cillait pas. Elle
avait l'air impassible, je dirais même qu'elle faisait parfois
penser à une statue, c'est à se demander si elle clignait des yeux.
Je sentais sa présence inquiétante près de moi, d'autant plus que
sa dernière réplique venait d'installer une ambiance relativement
tendue. C'est vrai ça, de quoi peut-elle bien vouloir parler ?
Qu'ai je à me reprocher à son égard, pour qu'elle puisse paraître
aussi malheureuse ? Je ne comprenais vraiment pas où elle
voulait en venir, et ses derniers mots tournaient sans cesse dans ma
terre. Même si son nom et son visage m'était familier, je suis
certain de ne jamais l'avoir vue ici, à Cloud City.
En
fin de compte, cette fille ressemblait à un fantôme.
La
sonnerie annonçant la fin des cours fut pour moi le glas de la
délivrance. J'allais enfin pouvoir quitter le lycée, et surtout
Élise. Je rangeais rapidement mes affaires pour me dépêcher de
rentrer chez moi. C'est alors que, contre toutes attentes, celle-ci
s'approcha vers moi.
« A
demain, Edward... »
Puis
elle fit volte-face, et se dirigea vers la sortie avant de
disparaître dans les couloirs, sans un bruit.
Ces
mots me firent frissonner, car ils venaient de me rappeler que, après
une courte soirée de répit, j'allais la retrouver demain. Une fois
de plus je devrais passer une journée en sa présence perturbante,
dérangeante. J'allais encore la sentir froide, stoïque, à côté
de moi. Dépité, je quittai alors le lycée, et de profondes pensées
assaillirent de nouveau mon esprit sur le chemin du retour.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire